Walter Godefroot, l’adversaire de toujours d’Eddy Merckx : “C’est un phénomène”
Walter Godefroot, qui a bataillé avec Eddy Merckx toute sa carrière, nous dit son admiration pour le champion et pour l’homme.
- Publié le 02-07-2019 à 15h08
- Mis à jour le 02-07-2019 à 20h15
Walter Godefroot, qui a bataillé avec Eddy Merckx toute sa carrière, nous dit son admiration pour le champion et pour l’homme. Pendant toute leur carrière, Eddy Merckx et Walter Godefroot furent des adversaires, mais des rivaux qui se respectaient et sont devenus des amis. Le Gantois a pourtant, comme tous ceux qui roulèrent à cette époque, souffert de la présence du Cannibale dans les pelotons.
"En fait, on ne se rendait pas compte vraiment de son exceptionnel palmarès, ce n’est qu’après avoir arrêté que j’ai compris combien il avait été extraordinaire, dit-il. On roulait contre lui et il gagnait souvent (il sourit). Eddy était supérieur, presqu’à chaque fois. Je ne faisais pas de fixation, cependant, et je ne me glorifiais pas, contrairement à Roger De Vlaeminck, par exemple, quand je le battais. Combien de fois me suis-je retrouvé derrière lui, dans un petit groupe en poursuite ? On roulait, on roulait, on roulait et son avantage augmentait quand même…"
Walter Godefroot, qui fête précisément ce mardi son 76e anniversaire, a deux ans de plus que Merckx. Leurs premières confrontations datent de 1963, chez les amateurs, et plus encore en 1964. Les deux jeunes gens étaient par exemple au Mondial de Sallanches, gagné par Merckx, puis du voyage aux Jeux olympiques de Tokyo où le Flandrien a conquis la médaille de bronze.
"Nos contacts étaient pourtant superficiels, admet Walter Godefroot. Je dois avouer qu’à l’époque, j’étais loin d’imaginer la carrière qui allait être la sienne et j’étais surtout focalisé sur ma propre réussite et mon avenir."
Quelques mois plus tard, passés professionnels tous deux, ils se heurtèrent une première fois de plein fouet au championnat de Belgique à Vilvorde. À l’arrivée, Godefroot devança Merckx, comme il allait le refaire, sept ans plus tard à Bornem.
"Un jour, poursuit-il, Eddy m’a dit : ‘C’est fou le nombre de fois où j’ai terminé deuxième derrière toi. Sans cela, mon palmarès aurait été plus important encore !’ Incroyable, je pense que c’est beaucoup plus vrai encore dans l’autre sens, non ? Le plus beau compliment qu’un journaliste m’ait fait, c’est celui de Pierre Chany (NdlR : du journal L’Équipe). Il a écrit : ‘Sans Merckx, Godefroot serait un nouveau Van Looy.’ Cela m’avait fait plaisir, car à l’époque, tout tournait autour d’Eddy, dans et en dehors de la course. C’est un phénomène. Je ne peux pas dire que Merckx avait plus de classe qu’Hinault ou Anquetil, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura plus jamais un autre Merckx. Personne, avec un même talent, n’avait la même mentalité. Il n’a jamais roulé la moindre course sans l’ambition de la gagner."
Les deux hommes se sont rapprochés après le Tour de France 1970.
"Notre relation a changé quand j’ai gagné le maillot vert du Tour 1970 et je pense d’ailleurs avec la bénédiction d’Eddy, dit-il. S’il avait sprinté comme un fou tous les jours, il m’aurait battu. Nous avons effectué la tournée des critériums ensemble, notamment en France, et j’ai découvert un autre Merckx, le vrai Merckx. Nous avions par exemple roulé en fin de saison le Critérium des As, à Paris, et nos épouses nous accompagnaient. À l’époque, on allait surtout en voiture de critérium en critérium. Il n’y avait pas d’autoroute. Une nuit, après une course, nous étions dans une voiture de Molteni conduite par Guillaume Michiels, à quatre, avec Eddy et Zilioli. On a cassé le pare-brise en pleine campagne, on a dû rouler comme ça, avec le froid et le vent qui entraient dans la voiture. Cela crée évidemment d’autres contacts. Ce sont des histoires qu’on n’oublie jamais."
Godefroot confirme que Merckx a pu créer autour de lui une équipe d’amis.
"C’est plus facile de travailler pour un ami que pour un leader, explique-t-il. C’était la mentalité des hommes de Merckx ; chacun était capable de mourir sur le vélo pour lui parce qu’il était respecté de tous, mais ce respect, il l’a gagné, on ne le lui a pas donné."
Le double vainqueur du Tour des Flandres aurait pu trouver place dans cette équipe.
"Eddy m’a demandé, une première fois en 1970 puis surtout fin 1972, de rejoindre Molteni, explique Godefroot. Il m’a dit que de tous les sprinters, j’étais le seul qu’il voulait dans son équipe, car il pensait que je travaillais pour le groupe, alors que les autres sprinters seraient finalement des concurrents internes. Je voulais le rejoindre, mais en emmenant Wilfried David et Ronald Dewitte, mes équipiers chez Flandria. Chez Molteni, on ne voulait pas de ce dernier et je me suis entêté."
Les deux hommes sont restés amis ensuite. Quand Walter Godefroot est devenu directeur sportif, Eddy Merckx a régulièrement sponsorisé ses équipes avec ses vélos, Lotto, Domex-Weimann, Telekom…
"J’ai été très fier aussi qu’Eddy me demande de prendre sous mon aile son fils Axel à ses débuts chez les professionnels, en 1994", se souvient le Gantois.